Dans l’Histoire de l’Islande, la période médiévale commença à la fin de la colonisation, lorsque le pays s’organisa petit à petit. Ce fut donc à partir de 930 que débuta cette ère et elle dura plusieurs siècles jusqu’aux débuts de la réforme sur cette île. Bien sûr, pendant environ 600 ans de nombreuses choses se passèrent, dont l’instauration d’un Etat libre islandais, la christianisation du pays, l’emprise norvégienne sur l’île, puis la domination danoise à partir de l’union de Kalmar, jusqu’à le début de la réforme en 1550.
L’Islande et ses habitants connurent de nombreuses périodes de prospérité, pour tomber petit à petit dans la crise, la misère et le marasme…
La fondation de l’Althing et de l’Etat libre
Traditionnellement, les peuples scandinaves ont souvent fondé des parlements où pouvaient se réunir les hommes libres pour prendre des décisions politiques, militaires ou religieuses. C’est notamment ce qui se passa en Islande en 930 (selon Ari le Savant), lorsque fut fondé l’Alþing dans la plaine de Þingvellir (Thingvellir).
Un système politique bien particulier
Les Norrois, qui ont colonisé l’île depuis quelques décennies, fuyaient avant tout la mise en place d’un pouvoir monarchique en Norvège. Logiquement, lorsqu’ils commencèrent à mettre en place des structures politiques dans leur nouveau pays, ils décidèrent d’un système beaucoup plus démocratique.
Cependant, l’Etat libre islandais qui apparût en 930 n’était pas véritablement une démocratie. En effet, cela ressemblait plus à une oligarchie, car l’Islande était constituée de nombreux goðorð qui pouvaient être considérés comme des clans ou des alliances. Chaque homme libre pouvait appartenir à un clan, et même pouvait en changer au cours de sa vie.
Les godars, qui dirigeaient les clans, assuraient la protection et nommaient le juge pour résoudre les conflits, devaient se réunir à l’Althing, ainsi que dans différentes chambres régionales.
Il faut par contre noter que seulement 5 000 hommes libres pouvaient participer à ce système politique sur les 35 000 habitants que comptait le pays. En tout cas, l’Islande du Moyen-âge avait un système politique bien particulier.
Le fonctionnement de l’Alþing
Il s’agissait d’un conseil qui disposait du pouvoir judiciaire et législatif. Entre 36 et 48 goðar se réunissaient pour prendre les décisions et rendre la justice de leur pays. Ils étaient sous la direction du lögsögumaður, un conteur de lois élu pour 3 ans dont l’objectif était de diriger les assemblées et d’être la mémoire vivante des lois (car elles n’étaient pas écrites).
Par contre, l’Islande n’avait pas de pouvoir exécutif, celui étant sans doute réalisé par les godars dans leurs propres fiefs, et donc au niveau local.
La découverte du Groënland et de l’Amérique…
Même si l’on apprend à l’école que c’est Christophe Colomb qui est le premier Européen à avoir découvert l’Amérique, ceci est complétement faux. Effectivement, environ 500 ans auparavant, en plein Moyen-Age, des Islandais et des Vikings ont compris qu’il existait d’autres terres à l’ouest de l’Islande.
L’explorateur le plus connu est sans aucun doute Eric le Rouge (Eiríkur Thorvaldsson), cependant ce n’est pas le seul.
Le Groenland
Ce qui deviendra le Groënland fut aperçu par Gunnbjörn Úlfssonau, mais c’est 978 que les premières tentatives d’accostage furent entreprises par Snaebjörn Galti. Cependant, ce fut donc Eiríkur Thorvaldsson, un fermier norvégien accusé de meurtre qui fuit son pays et l’Islande, qui établit la première colonie sur cette terre qu’il nomme “Terre verte” ou Groenland. Il s’installa réellement vers 985 ou 986. Plusieurs colonies norroises s’établirent sur cette île attirée par le nom de terre verte, alors qu’en fait elle est composée à 95% d’immenses glaciers…
Au total, les Vikings restèrent cinq siècles au Groenland, en cohabitant avec les Inuits et les autres peuples amérindiens déjà présents. Deux colonies s’établirent, l’une sur la côte sud-ouest, l’autre à l’est et elles auraient accueilli environ 3000 personnes. Ce fut sans doute l’entrée dans le mini âge glaciaire qui poussa les derniers habitants à quitter l’île.
La découverte de l’Amérique
Qu’est ce qui a bien pu pousser les Noirrois à aller jusqu’en Amérique, alors que l’on était en pleine période médiévale ? Sans doute le goût de l’aventure ou le fait que les navigateurs se soient perdus.
Deux pistes expliquent la découverte d’autres territoires à l’ouest. La première serait que Bjarni Herjolfsson se serait égaré durant un voyage entre le Groenland, sans doute à cause des tempêtes. Il aurait donc découvert d’autres terres plus à l’ouest.
La seconde est que Leifur, le fils d’Erik le Rouge, est parti naviguer vers le sud-ouest à partir de l’an mille pour découvrir de nouveaux territoires comme l’île de Baffin (Helluland), le Labrador (Markland), Terre-Neuve et le Vinland (sans doute la Nouvelle-Angleterre actuelle). Certains Vikings s’installèrent même, surtout au Vinland, car la région était moins froide et plus hospitalière que les autres terres découvertes. Des traces de maisons et fermes noirroises furent même découvertes, tout comme des squelettes au nord de l’actuelle New-York.
Pourtant, les Noirrois ne restèrent pas longtemps, car ils rentrèrent rapidement en conflit avec les Indiens d’Amérique. Après le départ de ces colons vikings, il fallut attendre plusieurs siècles pour que des Européens remettent les pieds sur ces terres.
La christianisation de l’Islande
Une autre grande étape de l’Islande médiévale fut sans aucun doute sa christianisation. En effet, lors de la colonisation de cette île, les hommes libres étaient adeptes de la religion scandinave et ils adoraient des divinités Ases comme Odin, Thor ou encore Freyr. Seuls les esclaves des îles britanniques étaient christianisés, même s’ils n’avaient pas vraiment le droit de pratiquer cette religion. Le culte scandinave avait une place importante, car les chefs de clans islandais (les godars) étaient sans doute des prêtes païens, comme l’indique leur nom.
La conversion des habitants de l’île au christianisme se fit assez rapidement et sans trop de heurt, contrairement à ce qui s’est passé dans beaucoup de pays. Tout commença vers la fin du Xe siècle, avec l’arrivée d’un chef islandais et d’un évêque allemand en 980. Ils tentèrent de convertir les habitants, mais le succès n’est pas vraiment au rendez-vous. D’ailleurs, l’évêque fut rapidement chassé du pays.
Cependant, la situation changea rapidement lorsque le chef norvégien Olafur Tryggvason se convertit et devint roi en 995. Il convertit plusieurs chefs et des missionnaires furent ensuite envoyés en Islande entre 997 et 1000. Là encore, la réussite n’est pas trop au rendez-vous avec seulement quelques conversions de grands chefs.
Le roi norvégien Olaf décida de sévir en fermant les ports de son pays aux Islandais et en menaçant les îliens habitant la Norvège. Le pays rentra quasiment en guerre civile entre les chrétiens et les païens.
Lors du rassemblement de l’Alping, la situation était assez tendue entre les deux parties. Pourtant, les participants décidèrent de s’entendre en nommant comme médiateur le lögsögumad Thorgeir Thorkelsson. C’est cet homme qui dût décider si l’île devait devenir ou non chrétienne. Il ensuite se retira un jour et une nuit pour prendre sa décision. Il annonça alors à tous les chefs réunis que son pays deviendrait chrétien, mais que les habitants pourraient continuer à pratiquer leur culte païen en privé et à consommer la viande de cheval (interdite par la religion de Rome). Thorgeir Thorkelsson rentra donc chez lui et lança ses idoles païennes dans la cascade qui porte aujourd’hui le nom de Godafoss…
En seulement quelques années, la plupart des Islandais se firent baptiser, alors la pratique de la religion des Ases et la consommation de viande de cheval furent donc interdites.
La période de paix puis la fin de l’Etat libre
L’Islande du Moyen-âge connut pendant plusieurs siècles la paix, en fait quasiment depuis la colonisation du pays. Cela contraste fortement avec le reste de l’Europe qui, au Moyen-Age, connut troubles, guerres et épidémies.
La paix
De 1030 à 1220, il s’agit d’une période de paix pour la nation islandaise. Ce fut aussi pendant cette période que l’Eglise affirma sa présence et sa puissance. Le premier évêque fut nommé en 1056, mais il ne disposait d’aucun diocèse. Son fils, qui lui succéda, en eut un et il mit en place la dîme, le premier impôt général du pays.
Avec la christianisation du pays, ce fut aussi l’apparition de l’écriture. En 1130, sortit le premier livre, et l’un des plus connus, celui qui porte le nom de l’Íslendingabók ou « Le Livre des Islandais », de Ari Þorgilsson.
Durant cette période, l’Islande comptait environ 50 000 habitants pour 4 560 fermes, selon un recensement effectué au XIIe siècle. L’île disposait donc une population importante, mais largement rurale, car il n’y avait aucune ville…
L’âge de Sturlungar
Cependant, la période de paix ne dura pas longtemps, car en 1220 et l’entrée dans l’âge de Sturlungar, les troubles s’accentuèrent dans le pays. En effet, quelques familles disposaient de la majorité des terres et du pouvoir, ce qui forcément provoqua des tensions. De plus, la royauté norvégienne, qui avait affermi son pouvoir sur son territoire, cherchait aussi à dominer les colonies norroises de l’Atlantique, ce qui comprend logiquement l’Islande.
Certains des grands chefs islandais devinrent même les vassaux du rois de Norvège, et ce fut donc avec leur appui, et surtout celui du puissant Snorri Sturluson de la famille Sturlungar, que celui-ci avança ses pions. Snorri Sturluson devait permettre à la Norvège d’intégrer l’Islande dans son royaume, mais il ne respecta pas son serment. Le roi Hakon IV de Norvège s’allia alors au neveu de Snorri Sturluson, Sturla Sighvatsson.
La guerre civile débuta donc et plusieurs conflits et rebondissements se produisirent. Dès 1238, Sturla fut défait à la bataille de Örlygsstaðir par l’alliance de Gissur Þorvaldsson, et à Kolbeinn Arnórsson, 50 personnes trouvèrent la mort. Les deux vainqueurs étaient aussi des vassaux de la monarchie norvégienne.
Le frère de Sturla Sighvatsson, Þórður kakali Sighvatsson, reprit le commandement des opérations militaires pour le compte du roi et lutta contre Gussur Þorvaldsson et à Kolbeinn Arnórsson. Il fut défait par eux deux à la bataille navale de Flóabardagi en 1244. Cependant, deux ans plus tard il gagna et tua Kolbeinn Arnórsson à la plus terrible bataille islandaise, celle de Haugsnes (110 morts).
Les survivants se mirent d’accord pour se rapprocher de la Norvège et ce fut Þórður kakali Sighvatsson qui dirigea le pays de 1247 à 1250. Son successeur fut assassiné en 1258 et il fut remplacé par Gissur Þorvaldsson entre 1258 et 1262. A cette date, l’île n’était plus indépendante et elle passa sous domination norvégienne pour ne redevenir indépendante qu’en 1944…
La domination norvégienne et danoise
Ce fut la guerre civile entre les puissantes familles de l’Alping qui mirent fin à l’Etat Libre Islandais et firent rentrer l’Islande médiévale dans une nouvelle période. Grâce à l’appui de Gissur Þorvaldsson, le Jarl d’Islande, les chefs de l’ensemble du pays acceptèrent petit à petit de devenir sujets du roi norvégien et de payer l’impôts.
Plus d’un siècle sous domination norvégienne
Le système politique, ainsi que la législation du pays, évoluèrent fortement sous la domination norvégienne. Tout d’abord, le comte (jarl), qui dirigeait le pays, disparut rapidement pour être remplacé par un bailli et un intendant. L’île garda pourtant son Althing, même s’il disposait de beaucoup moins de pouvoir.
La loi changea ensuite de par l’Etat norvégien, mais si les lois islandaises n’étaient pas les mêmes que sur le continent.
Le début de la domination danoise
A partir de 1380, la Norvège et le Danemark s’unirent en un seul royaume via un jeu d’alliances lorsque le roi Oluf accéda au pouvoir. Malheureusement, le roi du Danemark, de Norvège et d’Islande mourut en 1387. Ce fut sa mère, la reine Marguerite Ière de Danemark repris le pouvoir et dirigea d’une main de fer.
Ce fut aussi elle qui, en 1397, conclut l’Union de Kalmar (une ville suédoise) entre le Danemark, la Norvège et la Suède dans le but de lutter contre l’expansion germanique et principalement contre la Ligue Hanséatique.
Pendant cette période, l’Islande subit la dureté du pouvoir danois, mais aussi la peste noire qui arriva dans le pays en 1402 et 1404 et aurait tué environ un tiers de la population. L’île eut du mal à s’en remettre, surtout qu’elle fut de nouveau touchée en 1494-1495. De nombreuses fermes furent abandonnées, et la production décrut fortement. La situation profita seulement à l’Eglise, qui récupéra de nombreuses terres.
Au cours du XVe siècle, l’Islande connut aussi de fortes hausses de ses exportations de poissons vers le continent et ses eaux poissonneuses ont aussi largement attiré les pêcheurs étrangers, anglais tout d’abord, puis allemands. Cette situation provoqua de nombreux conflits avec les Islandais et il fallut attendre plusieurs dizaines d’années, vers la fin des années 1540, pour qu’ils soient forcés de partir.
En 1536, ce fut aussi la fin de l’Union de Kalmar, et quelques années plus tard la fin du Moyen-Age et le début d’une nouvelle ère pour l’Histoire de l’Islande.